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1599-1606 ENFIN, LA GLOIRE !
Auprès du cardinal del Monte, Caravage perfectionna d’une façon décisive son métier de peintre ! Il participa aux
discussions intellectuelles de son époque, se passionna pour la sculpture antique, les illustrations scientifiques, l’optique, la géométrie, l’alchimie. Il put se rendre compte également de la
façon dont vivait la noblesse ce qui renforça, sans doute, son aspiration à en faire partie.
Del Monte allait lui faire un dernier et somptueux cadeau en lui donnant l’occasion de faire la preuve de son talent en
peignant 3 épisodes de la vie de saint Matthieu pour la chapelle Contarelli de l’église Saint-Louis-des-Français.
A cette époque, on n'était un grand peintre à Rome que si l’on peignait des tableaux religieux
pour des églises prestigieuses et encore plus s‘il s’agissait de »tableaux d’autels » !
La commande, telle qu'elle figure dans le contrat, consistait en « un saint Matthieu assis avec un livre,
qui écrit ou qui veut écrire, à côté un ange debout, plus grand que nature, qui discute avec lui ou fait quelque chose de semblable ».
Pour la position de saint Matthieu, il s’inspire de Raphaël et d’un peintre lombard, Figino. Le
croisement des jambes provoque un débordement du pied qui sort du plan du tableau et introduit une communication avec le spectateur. L’ange qui se déhanche avec une grâce enfantine est
inspiré d’un tableau du cavalier d’Arpin (chez qui Caravage avait travaillé). A ces trois sources d’inspiration, il ajoute une touche personnelle de culture classique :
la tête de saint Matthieu évoque celle de Socrate, considéré comme un philosophe préchrétien. L’ange l’aide à écrire
car ni Socrate ni saint Matthieu ne savent le faire. Ce dernier détail a peut-être été à l’origine du refus du tableau car il laisse supposer que le libre arbitre du saint
(thèse catholique) était supplanté par une grâce infuse (thèse protestante).
Ce tableau a été détruit en 1945 lors de la chute de Berlin.
La deuxième version de saint Matthieu et l’ange est plus conforme aux exigences de la contre-réforme. Le saint
n’est plus guidé par l’ange pour écrire, il écrit lui-même !
Cette version est intéressante mais elle est aussi beaucoup plus conventionnelle. Plus
de scène intime rapprochant un grand-père et son petit fils, plus d’allusions érudites, l’ange fait seulement « le geste typique de l’énumération rhétorique, allusion à la
généalogie du Christ qui inaugure l’Evangile selon saint Matthieu ».
Caravage essaie tout de même d’établir le contact avec le spectateur et de suggérer l'émotion et la surprise du
saint en faisant déborder le livre de la table et en posant le tabouret en équilibre instable, mais on le sent bridé dans sa démonstration.
Moralité : quand les théologiens se mêlent de censurer les artistes, il n’en sort pas grand chose de bon
!