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  le blog alain Barré

Un peu de poésie dans ce monde de brutes, un peu de réalité dans la poésie !

HUGO : Les contemplations et les chansons des rues et des champs 02

  Voyage de nuit

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On conteste, on dispute, on proclame, on ignore.

Chaque religion est une tour sonore ;

Ce qu’un prêtre édifie, un prêtre le détruit ;

Chaque temple, tirant sa corde dans la nuit,

Fait, dans l’obscurité sinistre et solennelle,

Rendre un son différent à la cloche éternelle.

Nul ne connaît le fond, nul ne voit le sommet.

Tout l’équipage humain semble en démence ; on met

Un aveugle en vigie, un manchot à la barre,

À peine a-t-on passé du sauvage au barbare,

À peine a-t-on franchi le plus noir de l’horreur,

À peine a-t-on, parmi le vertige et l’erreur,

Dans ce brouillard où l’homme attend, songe et soupire,

Sans sortir du mauvais, fait un pas hors du pire,

Que le vieux temps revient et nous mord les talons,

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Tout est brume ; le vent souffle avec des huées,

Et de nos passions arrache des (…)

Mais, ô Dieu ! le navire énorme et frémissant,

Le monstrueux vaisseau sans agrès et sans voiles,

Qui flotte, globe noir, dans la mer des étoiles,

Et qui porte nos maux, fourmillement humain,

Va, marche, vogue et roule, et connaît son chemin ;

Le ciel sombre, où parfois la blancheur semble éclore,

À l’effrayant roulis mêle un frisson d’aurore,

De moment en moment le sort est moins obscur,

Et l’on sent bien qu’on est emporté vers l’azur. 

Marine-Terrace, octobre 1855

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