Surfeurs

De passage à Anglet, il y a quelque temps de cela, je me suis baladé le long de l’immense plage qui va de l’embouchure de l’Adour à la Chambre d’Amour, au pied du grand phare de Biarritz.
Le ciel est bleu, la mer est bleue, le sable est clair et les gens se rassemblent en petits groupes amicaux ou familiaux. Certains ont même apporté une table pour piqueniquer.
Mais la grande occupation est le surf ! Je me suis arrêté de compter à une centaine de surfeurs et ils étaient bien plus nombreux !...
Ils sont étonnants et passionnants à regarder. La plupart du temps, ils ne restent qu’une poignée de secondes sur leur planche et retombent immanquablement à l’eau d’une façon plus ou moins spectaculaire, mais ils ne désespèrent jamais et se remettent aussitôt à l’ouvrage, toujours en attente de LA vague qui les portera loin et longtemps au fil de figures toutes plus belles les unes que les autres !...
Cette passion obstinée a soudainement rappelé à mon souvenir un texte de Rabelais (mort en 1553) décrivant l’excitation d’un chien qui a trouvé un os.
“N’avez-vous jamais vu un chien rencontrant quelque os à moelle ? (...) vous avez pu remarquer avec quel soin il le garde, avec quelle ferveur il le tient, avec quelles précautions il l’entame, avec quelle passion il le brise, avec quelle diligence il le suce. Quel instinct le pousse ? Qu’espère-t-il de son travail, à quel fruit prétend-il ? A rien de plus qu’à un peu de moelle. Il est vrai que ce peu est plus délicieux que le beaucoup de toute autre nourriture…” Le surfeur, lui, n’attend rien de plus que ces courts et merveilleux instants de glisse suspendue au-dessus de l’eau !
Dans mon village, les mères et les grands-mères étaient plus prosaïques. Quand les enfants avaient trouvé une activité qui les passionnaient, leur laissant ainsi un peu de répit, elles disaient d’un air un peu malicieux : “Pendant qu'ils font ça, ils font pas d'bétchise !"