26 Mai 2006
Mon fils et ma belle fille m’ont offert, il y a quelque temps, un superbe livre : « L’Afrique mystérieuse : les peuples oubliés de la vallée de l’OMO », du photographe Gianni GIANSANTI, aux éditions GEO. On y voit les jeunes SURMA s’affronter en de violents combats, les « dongas ». Ils sont armés de longs bâtons, dont l’extrémité est sculptée en forme de phallus. Les coups portés provoquent souvent de graves blessures. La mise à mort est proscrite et soumise à une forte réprobation (bannissement). Pourquoi cette violence ? Elle me fait penser aux combats de boxe dont le succès ne se dément pas dans nos civilisations occidentales (voir le fabuleux « king of the world », Cassius CLAY, le féroce Mike TYSON, et les innombrables films qui parlent du sujet : les STALLONE, le tragique « Raging Bull » de SCORCESE avec De NIRO, etc…). Il s’agit, dans les deux cas de violences ritualisées et socialisées. La fonction de la violence est plus évidente dans le cas des guerriers SURMA. D’abord il faut donner un exutoire à l’agressivité de tous ces jeunes gens qui, en déversant ainsi leur trop plein d’adrénaline, troubleront moins la paix du groupe et les alliances intertribales. Il y a une autre raison qui peut paraître surprenante au premier abord. Les SURMA vivent de l’élevage. Richard NISBETT et Dov COHEN ont montré dans leur ouvrage « Culture of Honor » que les cultures violentes se développent, en particulier, dans les sociétés qui sont hors d’atteinte de la loi et où ce qui a du prix se vole facilement. C’est le cas pour certains quartiers de nos villes (avec la drogue comme bien à voler) et c’est également le cas pour ces peuples oubliés de la vallée de l’Omo. Ils vivent essentiellement de l’élevage ( donc d'un bien qui se vole facilement, comme on l’a vu dans de nombreux westerns). Il faut donc signifier aux voleurs potentiels, qu’il auront à faire à forte partie. Ces joutes montrent aux villages voisins, la force et la détermination des membres de la tribu ! On retrouve ces pratiques, sous diverses formes, chez les habitants des hautes terres d’Ecosse, les paysans des Appalaches, les cow-boys de l’Ouest américain, les guerriers masaïs, les indiens Sioux, les hommes des tribus Druses et bédouines, les membres de clans des Balkans (la vendetta albanaise en est une illustration) et chez les montagnards indochinois. Les combats en eux-mêmes sont relativement dangereux, mais les dommages qu’ils peuvent causer sont limités car ils sont ritualisés ; Par contre, la 3ème mi-temps, elle ne l’est pas ! …et les kalachnikov, à la fin de partie, font plus de ravage que les coups de bâton ! Les règles du jeu sont entrain de changer…La violence n’est pas gratuite. Elle existe en chacune d’entre nous et les modalités qu’elle prend pour s’exprimer sont déterminées par l’environnement et les évènements que nous vivons. Ainsi ces jeunes qui brûlent, raquettent et dealent dans les quartiers de nos villes, une fois sortis de leur contexte de non-droit où « ce qui a du prix se vole facilement », peuvent redevenir des citoyens respectueux du droit et des autres. Pas d’angélisme toutefois : ce n’est pas l’environnement qui a causé leur violence, elles est en eux, comme en chacun d’entre nous, il l’a seulement orienté, et dans la mauvaise direction !