St-Jérôme était, fin du 16e, début du 17e siècle,un personnage emblématique de la contreréforme. Au 4e siècle il avait traduit la bible en latin la rendant accessible aux érudits de son époque. Ilétait l’image dusavant associant humanisme et religion. Caravage en peindra6 versionsdont 3ont été conservées. La première version a sans doute été peinte à Rome, en 1605 (musée deMontserrat),avant le duel fatal qui l’amènera à fuir de ville en ville.
Le personnage qui a servi de modèle est le même que pour le St Pierre de la « Mort de la vierge,datée de 1605-06 également. Caravage utiliserasouvent ainsi, d’une toile à l’autre,les mêmesmodèles.
La version qui me paraît la plus intéressante est la seconde. Caravage, peut-être plus libre que dans la période de fuite incessante qui suivra, ose sortir du strict contexte religieux pour s’ouvrir à une réflexion humaniste.
La composition est étonnamment symétrique : deux crânes se partagent la lumière de chaque côté de la table. Le crâne fait référence aux peintures de « vanités » courantes à l’époque, destinés à rappeler que nous sommes mortels et que toutes nos prétentions sont vaines ! Notre vie ne tient qu’à un fil, elle est « un souffle léger, une vapeur éphémère ».
Tout semble mouvement fébrile dans ce tableau : la main de st Jérôme qui feuillette les pages de la bible, l’autre main qui s’apprête à écrire ou a tremper le calame dans l’encrier, la tête tendue vers le livre. Cela rend d’autant plus remarquable l’immobilité absolue du crâne !
La main qui tient la plume est orientée vers lui et dirige notre regard comme par inadvertance. L’orientation du crâne et de la tête du saint convergent vers un point, situé en avant et au milieu du tableau, à l’endroit précisémentoù se tient le spectateur. Cela n’est pas un hasard, l’artiste nous interpelle ainsi et nous renvoie à une question existentielle du même type que celle du Hamlet de Shakespeare : « To be or not to be ?... »
Cette œuvre n’est donc pas qu’une iconographie religieuse, elle est également une grande œuvre humaniste qui nous pose la question : "Et toi, quel est le sens de ta vie ?"
J'en ai fait une reconstitution en essayant de me rapprocher de l'oeuvre de Caravage et surtout d'en retrouver l'état d'esprit .
Très belle explication, je ne connaissais pas ce Caravage là. Mais où je suis subjuguée c'est par ta reconstitution. Comment t'y es-tu pris? Est-ce à l'aide de l'informatique et du traitement des images. En tous cas bravo et chapeau bas. J'avais déjà apprécié la précédente.<br />
Bonne journée Alain Yvette