CARAVAGE est en fuite après avoir tué un homme en duel. Il craint pour sa vie autant du fait de la condamnation à mort qui pèse sur lui que par peur de la
vengeance du frère de sa victime qui lui a déjà infligé une blessure grave ! Il décide d'envoyer un DAVID et GOLIATH au neveu du pape pour obtenir sa grâce...
Le thème du petit berger David qui arrive à tuer avec sa fronde l’orgueilleux géantGoliath, le
décapite et offre la tête à son roi, Saül, est un thème fréquemment traité au 16e et 17e siècle.
Giuseppe CESARI (dit le cavalier d’Arpin dans l’atelier duquel Caravage a travaillé en 1593-94) en a fait, en 1598, un tableau
apprécié.
Caravage s’attaque à ce sujet dès 1599. D’emblée il impose son
style beaucoup plusdirect, puissant et réaliste face au maniérisme de Cesari.
La tête de Goliath est bien mise en évidence, dans la lumière alors que celle de
Davidreste plus ou moins dans l’ombre.
Le corps du petit berger est éclairé et mis en valeur mais pas son visage, ce qui
souligne qu’il n’est que l’instrument de dieu.
Caravage a peint une deuxième version avec un David vu en contreplongée à l’allure plus triomphante, l’épée sur l’épaule, le regard
tourné vers le roi Saül que l’on ne voit pas, et toujours tenant à la main la tête sanguinolente du géant Goliath. Contrairement aux représentations d’autres peintres, la tête du
« géant » n’a rien de démesuré. Elle a une taille normale.
La troisième version a été réalisée dans un contexte bien différent. Le 28 mai 1606 Rome est en effervescence. On fête le premier anniversaire du
couronnement du pape Camille Borghèse, intronisé sous le nom de Paul V, les factions pro espagnoles et pro françaises s’affrontent parfois avec violence.
Caravage participe à un tel affrontement et tue le chef de la bande adverse (d’autres motifs sont peut-être en jeu : dette de jeu
?).
Il est lui-même sérieusement blessé. Le cardinal Scipione Borghèse, neveu du pape, le fait condamner à
mort.
Scipione Borghèse, neveu du pape est un personnagecyniquemais c’est aussi un grandcollectionneur d’art etil apprécie particulièrement les tableaux de
CARAVAGE(il est le créateur dela villa et de la galerie Borghèse, à Rome). Il voit le profit que la situation pourrait
lui apporter.
Il lui laisse le temps de s’échapper et de se réfugier sur les terres de ses protecteurs, les Colonna.
Parallèlement, afin de faire
de Caravage son débiteur, il laisse courir le bruit qu’une grâce luiserait rapidement accordéepar le pape. Naïvement, Caravage tombe
dans le piège et,autant parsincère contrition que
pour remercier celui qu’il croit être son allié et bienfaiteur, il peint, pour lecardinal, une troisième version de son David et Goliath -très différente dans son état
d’esprit- danslaquelleil se représente en Goliath vaincu et humilié, latête tranchée et sanguinolente.
David, contrairement à la version précédente, n’est pas triomphant mais
plein de tristesse et de compassion.
Le cardinal Borghèse a bien reçu le tableau qui est toujours aujourd’hui à la galerieBorghèse, mais, bien sûr, il
n’a pas envoyé la grâce.
C’était une façon de tenir l’artiste en dépendance et d’obtenir peut-être de sa part d’autres
chefs-d’œuvre !
Caravage meurt 4 ans plus tard, le 18 juillet 1610, après une longue errance.
La grâce lui sera accordée quelques jours après sa mort !...