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  le blog alain Barré

Un peu de poésie dans ce monde de brutes, un peu de réalité dans la poésie !

Villepin, t'es foutu...

A quoi sert la poésie ?  Dans la tradition populaire, elle sert à mieux faire passer des idées et des sentiments en utilisant des procédés qui les mettent en valeur et facilitent leur mémorisation.

 Elle s’appuie sur le rythme, la rime et les effets de répétition. Ces procédés ont joué, pendant des siècles, le rôle de facilitateur pour retenir des textes, parfois très longs, à une époque où les livres n’existaient pas, ou la transmission était essentiellement orale. Ces effets de mémoire ont été amplifiés quand on a inventé l’alexandrin qui pouvait être coupé en deux parties égales, scandant la phrase d’une manière particulièrement efficace.

 La poésie de la rue cherche, elle aussi, l’efficacité : être percutant et mémorisé. On reprend donc les vieilles recettes : des rimes et du rythme : « Villepin t’es foutu, la jeunesse est dans la rue ! ». La pub, surtout avant le règne du tout image, a souvent utilisé les mêmes formules dans un souci d’efficacité.

 Le rap, poèsie de la rue, continue sur les même principes :  

 « On est les trouble-fête

qui n’en font qu’à leur tête

on joue avec vos allumettes »

MC Solaar y a ajouté une touche de réflexion :

 « J’ai vendu des merguez pour me faire du pèze
Pèze réinvesti dans des frites merguez
Si la vie est boucle, la boucle est bouclée
J’opte pour un style que personne n’a looké
Qu’est-ce qu’on en a à battre de l’audimat?
Dans le monde du rap, je suis le Claudimat
Je représente la rime hexagonale,
Populaire, littéraire pur scandale
J’aime leur style mais crée le mien
Et n’ai rien à voir avec le rap américain
Et si les rimes t’arrivent comme un calmant
C’est que la vie n’est qu’un moment
La vie n’est qu’un moment

  En somme la rue n’a pas vraiment écouté les conseils de VERLAINE qui souhaitait casser la raideur de la versification traditionnelle au profit d’un art plus subtil destiné à l’individu plutôt qu’à la foule.

De la musique avant toute chose

Et pour cela préfère l’Impair

Plus vague et plus soluble dans l’air,

Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

Prends l’éloquence et tords-lui son cou !

Tu feras bien, en train d’énergie,

De rendre un peu la Rime assagie.

Si l’on n’y veille, elle ira jusqu’où ?

Ô qui dira les torts de la Rime !

Quel enfant sourd ou quel nègre fou

Nous a forgé ce bijou d’un sou

Qui sonne creux et faux sous la lime ?

De la musique encore et toujours !

Que ton vers soit la chose envolée

Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée

Vers d’autres cieux à d’autres amours

Les poètes modernes l’ont écouté, parfois trop, au point de renoncer à la rime et parfois, également, au rythme. C’est presque le cas pour ce poème de René CHAR dont parle Jacques sur son blog (voir dans les liens le blog de Jacques)

   Puisqu'il faut renoncer
À ce qu'on ne peut retenir
Qui devient autre chose
Contre ou avec le cœur, —
L'oublier rondement

Puis battre les buissons
Pour chercher sans trouver
Ce qui doit nous guérir
De nos maux inconnus
Que nous portons partout.

 (Le deuil des Névons)

 Ainsi aujourd’hui des styles très opposés coexistent : la poésie littéraire, qui a perdu beaucoup de son importance par rapport au dix-neuvième siècle, et la poésie populaire, faite pour être entendue et retenue. Entre les deux, la publicité explore systématiquement les ressources de l’art poétique, en puisant dans la vaste réserve des figures de style. C’est parfois drôle, beau formellement, mais le contenu s’est évaporé ! Mais quand on veut s’adresser à M de Villepin, premier ministre et néanmoins poète distingué à ses heures, ce sont les bonnes vieilles recettes de la poésie populaire qui reprennent le dessus : « Villepin t’es foutu, la jeunesse est dans la rue ! »

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